Racine (Robert Hamel)

Racine

la cadence du silence
le soupir de la pierre
le poli de la lumière
la nudité du songe
l’essence du désir
l’espoir essaime les possibles

tes pas sur ma paupière
la prière de ton printemps
l’exode de tes dieux
le lexique de ton âme
le chant de ton sein
et ton sexe
qui sussure mon nom

phare des nuits
nénuphar des jours
jamais plus l’amour
sans mon cœur amarré
à ton quai de cristal
jamais plus le jour
sans tes lèvres marée haute
ton corps contrée claire
ton cœur symphonie d’abeilles

j’embrasse des yeux la moitié du monde
mais mon temple demeure ton empire
je prends racine en tes terres
quand je serai grand je serai un arbre

je t’aime donc je suis

Robert Hamel, © 2015, tous droits réservés pour tous pays.

Sans titre (Jean Yves Métellus)

Le désir est servile
S’il n’élève le corps
Au rang de cathédrale
Où vitrille l’amour

Et le rêve tourment
S’il n’est point volutes
Échappées d’incendie
Dans les ruines éternelles

Il faut sinon
Toute la métamorphose du jour
Sur nos langues mortes
Pour conter une histoire

Je changerai pour toi
L’arc-en-ciel du destin
Pour alléger ton cœur
Puisque tu es traquée
Jusque dans tes secrets

La beauté sera jubilation
Fermentation du silence
Mais quand j’aurai soif de frisson
C’est dans le noir que tu me trouveras

— Jean Yves Métellus, sans titre, juillet 2015

Lune funambule a pu reproduire ce texte grâce à l’aimable collaboration de son auteur.

Je suis seul (Léopold Sédar Senghor)

Et le soleil

Je suis seul
Je suis seul dans la plaine
Et dans la nuit
Avec les arbres recroquevillés de froid
Qui, coudes au corps, se serrent les uns tout contre les autres.

Je suis seul dans la plaine
Et dans la nuit
Avec les gestes de désespoir pathétique des arbres
Que leurs feuilles ont quittés pour des îles d’élection.

Je suis seul dans la plaine
Et dans la nuit.
Je suis la solitude des poteaux télégraphiques
Le long des routes
Désertes.

– Léopold Sédar Senghor

Massacre (Louis Geoffroy)

MassacreMassacre
fauchées
fauchées
elles se sont couchées sans pudeur
molles
flasques
et les mots durs giclent de partout
batouque de mon corps
tam tam TAM tam tam TOM tam tam TAM tam tam TOUM
et les longs hurlements intestinaux du trane les tuent tous autant qu’ils sont proses vociférantes de l’amour au passage des ailes de la vie cadavres que le sorcier a ranimés pour les besoins du c’oq-mo’t verbes du couchant du levant lancés avec le soleil ou avec la lune car pâlit et s’épanche dans son sang l’oiseau turquoise qui me fait crier qui me fait hurler à l’immense fleur jaune comme un loup assoifé
il ne reste que des ruines
et vraiment batouque de mon corps
mon corps n’est et ne sera que ce qui compte
ou bien ton corps
si aimes
mieux
ou moi

– Louis Geoffroy, Totem poing fermé