Incantatoire
Femmes de mes songes, ciel de vertige peuplé de diamants
Pas une ombre qui n’appartienne à la nuit d’ivresse
Pas une vague qui ne soit fumée des mots sur la terre
Pas un sable qui ne soit saison à écrire
Pour répéter ta gloire à travers les âges
Justes étaient les mots de l’amour
Ici Douala, ici Abidjan, ici Bamako
L’amour tenait au creux d’un vrai soleil
De pailles était le lit secret de nos phantasmes
S’abaissaient les montagnes, s’élevaient les plaines,
Les astres tournaient où tournaient tes yeux,
Et le miel et l’Océan sur tes cheveux…
Tu m’as dit vis, j’ai vécu jusqu’à en perdre l’haleine
Dans le silence, le ciel perdait ses clous
Nous nous reconnaissions aux fièvres de nos lèvres
Plus tard les Caméléons dans les sillages de l’amour
Se coursaient moins alertes que nos cœurs,
Quand tristesse et désir ont déchiré nos masques
Voix du vent apporte mon amour
Ici Bangui, ici Kinshasa, ici Dakar
Mon amour est né en riches plaines
Il nous fallait bien tresser notre couronne d’or,
Pencher notre nuit au malheur au vertige d’avant l’aube,
Il nous fallait bien dérober notre part de rouge et de noir d’ombre
et de lumière à ces hasards sensibles nommés désir
Mon amour est de nuit et de fable,
Ici Brazzaville, ici Yaoundé, ici Lagos,
Mon amour est de souffle et d’image
Une femme s’en va, un homme qui dit adieu,
Sans regret ni remords, ange aux ailes du désir,
Quelque chose se brise, quelque chose se déchire,
Je ne trouve plus repère, j’ai perdu mon ange,
Dans le jour des autres, mes sombres pensées
Don de désespérance et de passion
Je ne trouve plus mon image, j’ai perdu la partie, je suis perdue au
creux du temps, lasse de retenir ô l’ami, la force du vent
Ce n’est pas la faute de l’amour chagrin
Ici Bonn, ici Paris, Radio Londres, je vous écoute…
Ma mémoire est enlianisée,
Comme de légende, une vieille demeure,
Comme de folie une éclipse solaire,
Ici Madrid, ici Athènes, ici Rome, on vous écoute…
Mon amour à saveur d’algue et de mort…
Que dites-vous?
– Calixthe Beyala
Originaire d’une famille noble du Cameroun, Calixthe Beyala est née en 1961. Son père, un aristocrate bamiléké, et sa mère, une béti, se séparent peu après sa naissance. C’est la grand-mère maternelle qui récupère les deux sœurs issues de cette union. Elle va les éduquer à la manière ancienne, avec très peu de moyens financiers. La sœur aînée de Calixthe Beyala sacrifie ses études au profit de sa jeune sœur. Elle travaillera auprès de la grand-mère en vendant du manioc pour subvenir aux besoins de celle qui deviendra romancière. Les deux sœurs passent leur enfance à New-Bell, un quartier populaire de Douala. Calixthe rejoint la France à l’âge de 17 ans. Elle se marie, obtient un baccalauréat, puis poursuit des études de gestion et de lettres. Elle est mère de deux enfants, Edwy et Lou.
À ce jour, Calixthe Beyala a signé 19 ouvrages, dont le roman à caractère érotique Femme nue, femme noire (Paris, Albin Michel, 2003). Cette auteure influente a obtenu de nombreux prix et alimenté la controverse par ses prises de position tranchées, notamment son appui à Khadafi et sa dénonciation du peu de place accordée aux Noirs dans la société et la culture françaises. Le texte ci-dessus est tiré du livre de photographie Black Ladies que le photographe allemand Uwe Ommer a consacré à la beauté de la femme noire.
(Rédigé d’après un article de Wikipédia).
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