La poésie est une exilée
la poésie est une exilée
elle a tout laissé derrière elle
pour quelques illusions vite perdues
la poésie est devenue veuve
avant même la quarantaine
elle était enceinte de deux mois
la poésie est Africaine
elle a la peau noire
l’âme pure
et le cœur noble
elle chante en cuisinant
et lorsqu’elle manie le couteau
il ne me viendrait pas à l’esprit
de lui tourner le dos
à son arrivée au Québec
la poésie a vite compris
qu’elle s’était fait flouer
qu’il n’y en aurait pas de facile
que sa formation et son expérience de travail
représentaient bien peu pour le patronat québécois
elle est repartie à zéro
a tout recommencé
la quarantaine passée
elle a vite appris qu’on ne vit pas
avec un chèque d’aide sociale
la poésie a vite échafaudé un plan B
la poésie est mère monoporentale
elle étudie à temps plein
et élève seule quatre enfants
elle se lève au beau milieu de la nuit
pour préparer ses examens
la poésie fait des miracles
avec ses prêts et bourses
et ses allocations familiales
quand ses enfants lui demandent des ipads
des iphones et d’autres gadgets
la poésie leur répond
qu’elle leur achètera un Walmart
la poésie cherche un cinq et demi
pour ne plus que ses quatre enfants
aient à partager la même chambre
mais quand les proprios entendent sa voix
ils lui disent que c’est déjà loué
ou lui demandent de rappeler plus tard
et ne répondent plus
la poésie s’intègre à sa terre d’accueil
mais regrette encore sa terre natale
où la vie était plus lente
où elle avait le temps de rire
de chanter
de prier et de danser
la poésie n’a de congé que lorsqu’elle dort
et elle ne dort pas assez
mais ce soir la poésie dort dans mes bras
elle est calme et rêve déjà
j’ai écrit des poèmes sur ses lèvres
j’ai écrit des poèmes sur sa peau
j’espère en écrire un dans son cœur
et je suis un poète heureux